Départ de Bishkek et direction le Kazakhstan. Frontière encore un peu difficile et pourtant nous passons par une douane secondaire au nord de Bishkek pour éviter le grand poste de douane plein de camions à l’ouest. Et puis nous redécouvrons les plains kazakhs d’où nous apercevons les montagnes kirghizes. Cette frontière de paysages, montagnes d’un côté et plaines de l’autre, reflète peut-être aussi les différences de populations kirghizes et kazakhes. A moins que ce ne soit encore un coup de Staline qui a découpé cela selon son bon vouloir du moment.

La première étape est à Turkistan, une ville en pleine expansion. Puis direction le sud à nouveau pour repasser en Ouzbékistan. Etape à Tashkent. Nous faisons ensuite une étape marathon entre Tashkent et Boukhara, avec passage obligé à Samarkand pour que les nouveaux compagnons de route puissent visiter, mais assez vite, la place du Rajestan et ses madrassas, ainsi que le tombeau de Tamerlan.

La route fut longue et nous étions contents d’arriver à Bukhara, de retrouver Bukhara. J’aime bien cette ville et son atmosphère. Il y fait encore plus chaud que lors de notre premier passage. Je profite de deux jours de repos pour profiter du Hammam de Boukhara qui est un des plus vieux bâtiments de la ville. Il accueille hommes et femmes mais à des horaires différents. J’ai pris rendez-vous pour 11h et je suis le seul client à ce moment.

On commence par un suage pendant 15 minutes dans une des alcôves qui entourent la salle où se trouve la pierre de massage. Là, on est bien! Et puis le masseur vient me chercher pour me guider vers la pierre. Assis je reçois alors le traitement au gant de crin pour un peeling. Là ce n’est que le début.

Arrive la massage. Celui-là il est turc, pas scandinave façon gentillette. Le massage se fait au savon, pas à l’huile. Je me dis que ça fera une douche de moins à prendre. Au delà des muscles, il insiste beaucoup sur les articulations et me tortille dans tous les sens. Heureusement que je suis assez souple. Le genou vers le menton, vers l’épaule opposée, puis le bras vers l’arrière à essayer de faire toucher la nuque avec la main. Ça craque et ça s’étire. Le lendemain je constaterai quand même avec plaisir que ma douleur à l’épaule gauche qui trainait depuis des mois a disparu. Il ponctue ses mouvements de “Are you OK mister? » auquel je réponds d’un grognement approbateur.

Douche à grands coups de seaux d’eau sur la tête et il me colle sur le torse, le dos et les bras un mélange de miel et d’épices dont du gingembre. Je m’attends presque à ce qu’il allume le four tellement je suis paré tel un canard en cuisine. Et le four c’est l’alcôve où je dois retourner pour 15 minutes de chaleur intense. La cuisson commence et à la chaleur de la pierre et de la vapeur s’ajoute la chaleur du glaçage miel/gingembre sur la peau. Une sensation de chaleur très intense arrive très rapidement. Comme une brûlure. Est-ce désagréable ? Oui jusqu’à ce que je réalise que si j’étais en train de me brûler, il y aurait aussi de la douleur. Là il n’y a que la sensation de brûlure mais pas de douleur. Intéressant et bizarre. Donc le canard a une sensation de cuisson mais la peau ne va pas laquer et craqueler. Bonne nouvelle !

Une nouvelle douche à coups de seaux évacue la sauce au gingembre. C’est la fin, mais avant de se rhabiller il me sert dans le salon d’accueil un thé aux épices que je savoure pendant que la transpiration continue de couler à grosses gouttes. Il faut que le canard refroidisse un peu.

Les motos ont été conduites dans un dépôt sous douane pour être chargées dans des containers avec les 4×4. Ah oui, parce que le Turkménistan est toujours fermé. Nous devons donc à nouveau faire un portage logistique à travers ce pays. Tant pis je ne verrai peut-être jamais le cratère de Darvaza, Gates of Hell, que le gouvernement turkmène a décidé de combler.

Arrivés au dépôt, le hangar nous permet de nous garder à l’ombre pendant qu’Eric essaye de régler un problème: les containers prévus ont été remplacés par des camions. Ce n’est pas du tout la même chose. Les dimensions et les points de saisine sont différents; et on ne peut pas suspendre les remorques des 4×4 au plafond dans un camion… Joli casse-tête que le chef et son équipe finissent par résoudre après que nous sommes repartis à l’hôtel. Eric nous dira ensuite que les camions avaient auparavant chargé du ciment et que nos motos sont maintenant couvertes d’une fine poussière blanche un peu acide. Nous verrons bien… Eric fait encore le voyage avec les camions et leurs tracteurs et chauffeurs ouzbeks jusqu’à la frontière. Là il faut transférer les remorques à des tracteurs et chauffeurs turkmènes que nous ne connaissons pas. Ils ont donc nos motos, les clés et les papiers avec eux. Est-ce bien raisonnable ?

Pour nous un marathon de 30 heures commence le soir même: quatre vols s’enchaînent depuis Boukhara jusque Masshad en Iran avec escales à Tashkent, Dubai et Téhéran. Et mon bilan carbone avec tout ça !!! De Masshad nous rejoignons finalement en fin de matinée du 25 juin le poste frontière de Lotfabad où nous devons récupérer nos motos le lendemain.

Et comme le 25 nous étions en route j’ai fêté mon anniversaire dans le vol Téhéran-Masshad grâce à Roxane qui m’a improvisé un charmant petit gâteau. Cette fille est formidable !

Le seul hôtel de Lotfabad est une institution. Le Sepideh Hotel a des chambres petites et pas vraiment glamour, taillées pour les chauffeurs de camion turcs ou iraniens. En raison des transferts obligatoires de tracteurs et chauffeurs au Turkménistan, le passage de la frontière leur est interdit. Ils amènent donc leur remorque et la confient aux turkmènes. Ensuite il faut attendre le retour de la remorque, ce qui peut durer un peu. Alors les chauffeurs habitent à l’hôtel pour quelques jours si ils ont des sous ou bien dans leur camion. Un chauffeur est là depuis 45 jours. Oui, 45 jours dans ce bled sans rien à faire. Le tracteur du camion est à la douane; il y vit et dort depuis 45 jours, en attendant le retour de sa remorque.

Le 25 juin au soir, il y a un problème. Pas de trace de nos camions. Ils devraient être dans la zone neutre entre les deux douanes où des tracteurs et chauffeurs iraniens viendront les récupérer. Mais nos deux remorques ne sont pas là. Le téléphone chauffe… personne ne sait où sont les chauffeurs que le mandataire turkmène n’arrive pas à atteindre. Aucune chance de partir le 26 au matin après dédouanement de nos motos, peut-être dans l’après-midi.

A l’hôtel nous restons prudemment dans nos chambres climatisées ou dans le lobby/salle à manger où l’air est aussi frais. Dehors c’est un four à plus de 40 degrés.

Le lendemain les recherches reprennent. On nous dit avoir vu les camions en zone neutre. Un sans doute, peut-être le deuxième. Mais en fait non… Ça s’énerve à la douane. A l’hôtel on s’occupe comme on peut mais sans Wifi et sans connexion sur ma carte SIM iranienne ce n’est pas facile. Et pas de boutique Irancell à Lotfabad, pas beaucoup de boutique tout court. Alors on mange et on dort à l’hôtel, on fait du gras.

Dans l’après-midi ça y est le camion qui contient les motos est retrouvé. Il est encore coté turkmène. Pas de trace de l’autre. Eric remue ciel et terre, appelle tous ses contacts diplomatiques au Turkménistan mais pas d’info.
Deuxième nuit à Lotfabad.

Au matin Eric et ses copains iraniens retournent à la douane. Ceux dont la carte SIM fonctionne reçoivent quelques nouvelles. Les camions sont bien là mais aucune nouvelle des raisons de leur retard. Les camions passent en zone neutre mais il est trop tard pour les décharger côté iranien. Tant pis ce sera pour demain.
Troisième nuit à Lotfabad

Au matin ça y est les camions sont déchargés; il reste à faire les formalités de douane avec nos carnets de passage en douane. Mais cela va encore prendre du temps. Nous apprenons qu’il manquait un papier aux chauffeurs turkmènes. Ils ont dû refaire l’; aller-retour à la douane ouzbek pour aller le chercher. Et ils ne pouvaient nous le dire peut-être ???

Les douaniers iraniens ne se bougent pas vite à ce qu’on nous dit et Nouri, le guide iranien qui nous aide, pique un coup de sang. Grosse colère et les choses se mettent à avancer après un appel depuis Téhéran du chef des douanes iraniennes. Ça sert d’avoir de bons contacts. Vers midi il semble que nous pourrons partir en début d’après-midi. On mange tranquillement. Vers 14h, au plus chaud et avec plus de 40 degrés nous allons chercher nos motos à la douane à 400m de l’hôtel. Nous avons les motos dédouanées, nos sacs et nos équipements, les 4×4. Tout le personnel de l’hôtel est tout excité de voir nos préparatifs et demandent des photos et des selfies avec nous et nos motos. Les iraniens sont vraiment très gentils!

Départ vers 15h pour une première étape vers Sabzevar. Adieu Lotfabad, l’attente fut longue et pas facile à gérer mais l’Hôtel Sepideh restera dans ma mémoire.

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