Le “Issyk Kul”, lac chaud, non pas parce qu’il est vraiment chaud mais parce qu’il ne gèle pas l’hiver, est un immense lac à l’Est de Bishkek vers la frontière chinoise. La rive nord du lac est un lieu de villégiature pour le russes donc plutôt très construit et bétonné. Enfin, c’est relatif à l’échelle du Kirghizistan. Environ 2 millions de touristes viennent chaque année en vacances à Issyk Kul. La rive sud est plus sauvage avec quelques réserves naturelles et des sites de visite plus typiques. Il y a aussi au dessus de la rive sud une énorme mine d’or, au bout d’une piste qui démarre à Barskoon.
Voilà bien des raisons d’aller explorer cette rive sud depuis Bishkek pendant les quelques jours de changement d’équipages du T3 World Tour, et pour laisser l’équipe T3 bosser en paix.
Nous sommes donc partis à quatre personnes sur trois motos, Jean-Luc et Roxanne, Rémi et ma pomme, sur trois GS. Un aller-retour en deux jours vers Barskoon, environ 700 kilomètres au total.
A l’aller nous sommes sortis de Bishkek par l’est pour découvrir un peu la campagne locale, fort active et industrieuse. Ensuite nous sommes repassés par l’autoroute qui suit la frontière kazakhe avec ses files de camions et voitures qui attendent de passer; des files de plusieurs kilomètres…
Route de montagne mais très roulante, puis une piste bien roulante aussi avant d’arriver sur le lac qui est d’un beau bleu soutenu au large et d’un bleu lagon vers les côtes.
Malheureusement la route qui longe le lac est en grands travaux sur plus de 200 kilomètres. Heureusement les suspensions plutôt souples encaissent bien les graviers. Ces travaux monumentaux visent à agrandir une simple route à deux voies en quais autoroute à deux fois deux voies. Et au vu des terrassements, décaissements et remblais, sans compter la belle épaisseur de sous-couche, la route devra supporter de nombreux véhicules très lourds. Sans compter les touristes russes, on pense de suite aux camions de minerai aurifère!
Pas beaucoup de restaurants sur la route et nous stoppons donc dans une épicerie pour acheter la pitance du piquenique que nous prendrons sur la plage. Il fait chaud et les tomates, chips, pain et fromage avalés nous piquons un roupillon.
A l’arrivée à Tamga, juste avant Barskoon, nous hésitons un peu avant de trouver le guesthouse que nous avons réservé (et réservée, n’est ce pas Mme Rousseau!); il faut entrer dans une résidence datant de la période soviétique, descendre entre plusieurs maisons vers un avion qui remonte un peu plus loin et finalement arriver dans un cul de sac. Sergei et Anna nous accueillent dans un russe parfait que nous ne comprenons pas. Les mains, les sourires et la bonne volonté sont de sortie, nous nous comprenons facilement.
La maison est sobre mais correcte de l’extérieur. Une première cour intérieure avec un peu de bois stocké et quelques affaires, une porte et un couloir et nous débouchons sur le jardin. Et là c’est un choc de plaisir. Un magnifique jardin à l’anglaise, plein de massifs de fleurs odorantes, d‘herbes aromatiques formant des îlots sur un gazon bien taillé. Des éclairages attendent la nuit. Des balancelles et bancs et tables ombragés sont disposés pour former des coins plus intimes. Les arbres fruitiers procurent une ombre appréciée. Derrière le jardin coule la rivière au delà d’une levée de terre plantée de bouleaux. Au fond du jardin ce sont des arbustes fruitiers et en particulier des framboisiers qui poussent à l’ombre d; un magnifique cerisier tout en fruits, protégés par des sacs.
Nous n’en revenons pas de découvrir ce coin de paradis ici au fond d’un cul de sac au bout d’un village au Kirghizistan. Quatre motards en tenue de route, lourdes bottes au pied, casque à la main et la mâchoire pendante… je comprends le sourire de Sergei et Anna.
Les chambres sont petites mais très propres et surtout très calmes.
Le repas est pris dans la salle à manger vitrée sur trois côtés et donnant sur le jardin. Cuisine locale et savoureuse avec en dessert des blinis maison sur lesquels nous étalons une couche de confiture de framboise puis une couche de crème épaisse. Sublissime! On atteint une sorte d’extase.
Couchés vers 21h nous avons aussitôt sombré dans un profond sommeil. Au matin, c’est le même enchantement de se balader dans ce jardin. Un petit déjeuner bien complet avec une omelette bien épaisse nous met en forme.
D”un commun accord nous aurions volontiers prolongé notre séjour au paradis, mais l’équipe T3 nous attend à Bishkek.
Sur la route du retour nous avons décidé d’explorer un peu les attractions locales. A la sortie de Tamgan un ancien avion de chasse fait face à la mer, sans doute un souvenir de la période soviétique.
Un peu plus loin, nous cherchons la route qui va vers un canyon réputé magnifique. La route est sablonneuse et pas très facile avec nos lourdes machines. Nous suivons de loin un petit bus de touristes et un 4×4. Arrivés derrière eux sur un parking, je réalise que la route que je croyais à sens unique est à double-sens. Bonne nouvelle, nous n’avons croisé personne.
Le canyon en question se visite surtout à pieds, mais pas question pour nous d’aller bien loin, car les vêtements de moto, la chaleur et le temps compté ne le permettent pas. Quelques vues intéressantes sur le premier monticule rocheux, au milieu de touristes en short et chaussures légères. Quelques vues aussi prises par les touristes de nos motos qui font à chaque fois sensation. Les locaux veulent tous des photos d’eux assis sur la moto. Les touristes européens veulent surtout bous montrer qu’ils sont admiratifs de notre aventure.
Seconde curiosité sur la route, un monastère bouddhiste qui a abrité des moines depuis bien longtemps, avant même l’arrivée des turcs dans ces contrées. Mais le monastères est déserté et nous avons loupé, bien en amont, la vallée des stèles gravées remarquables que nous voulions visiter. Tant pis, les drapeaux de prière tibétains fixés sur mon guidon flottent quand même au vent et saluent l’univers.
Dans un village on abaisse sa vitesse n’est ce pas ? Bien sûr et nous voilà à un peu moins de 50 km/h, moi en tête puis Jean-Luc et Rémi qui ferme la marche. Police, radar, bâton et nous stoppons. Demande des permis de conduire et le policier nous annonce que nous roulions trop vite; c’est limité à 40 km/h. Nous demandons à voir les photos. On voit bien des motos prises de face mais on ne reconnait rien et surtout pas la vitesse affichée qui est illisible. Jean-Luc conteste et le gradé qui est resté à l’ombre dans la voiture lui annonce 2000 Soms d’amende. “No way!” dit Jean-Luc spontanément. Le gradé est un peu interloqué, se renfrogne et avec un test de la main nous dit “Go away!”. D’accord, on repart… 🙂
Troisième objectif, une baignade dans le lac. Le long de la route j’avise une plage avec une joyeuse bande de gamins qui se baignent sous le regard de quelques dames. Un bon coin pour sûr. Arrêt, dépeçage du motard et installation du campement sur la plage. L’eau est fraîche mais douce et un bon bain fait plaisir. Séchage puis finissage au soleil qui me vaudra un coup de soleil sur les cuisses, le torse et le ventre. Pas grave!
Le reste de la route s’est fait au rythme des travaux. Nous avons à nouveau acheté quelques fruits et gâteaux et un tube de fromage en pâte. Mais le ciel noircit à l’horizon et nous mangeons rapidement au bord d’un champ. Le fromage en tube est en fait de la mayonnaise (nous ne lisons pas le russe!) et le gâteau a un goût chimique au possible. Les premières gouttes arrivent d’un orage qui barre l’horizon bien noir; ça promet une bonne douche après le bain de ce matin.
Mais l’orage n’a pas trop duré et une fois retrouvé le bitume, nous pouvons enlever les veste et pantalon de pluie et prendre un thé pour un moment de détente. Dans la descente du col, je vois les panneaux de limitation qui se suivent, mais dans un ordre parfois bizarre. Ils annoncent volontiers une limitation, à 70 ou 50, mais pas la levée d’icelle. Il faut donc deviner suivant l’état de la route et le comportement des locaux quelle est la “vitesse limite acceptable localement”. Un panneau 70, un panneau 50 pour annoncer des travaux et un rétrécissement. Je suis le flux des voitures à 50km/h mesuré au GPS, et quand je vois un radar sur le côté je donne un coup de frein pour alerter les copains. Policier, bâton, arrêt. Les autres sont libres de passer mais s’arrêtent 20 mètres plus loin. Le policier m’annonce 52 km/h pour 40km/h de limitation. Il faut dire quand même qu’il n’y a plus de travaux depuis longtemps et que le rétrécissement, sous forme d’une falaise qui supprime la bande d’arrêt d’urgence sur cette deux fois deux voies, sert opportunément à la police pour se planquer. Bref un piège. Je conteste la vitesse et la limitation à quarante, je lui montre le GPS, discute avec lui de son choix de m’arrêter moi eu lieu des voitures locales… Bref je fais durer, car j’ai une idée derrière la tête. Et ça ne loupe pas. Une voiture est arrêtée par son collègue. Mon policier passe de l’autre côté de ma moto, un peu moins visible. Je devrais pouvoir régurgiter l’hameçon.
“What is your profession mister ?”
“Physicist… Professor of physics…”. (Pieux mensonge!)
“Ah like Einstein?”
“Yes, me and Einstein, the same!” (Mythomanie complète!).
“Ok, so don’t go too fast …” et il me rend mon permis.
Je lui montre la devise de T3 “I don’t go fast, I go far…” et il rigole. Et moi je pars…
Le retour en ville de Bishkek juste avant 19h est un peu un choc après le calme de notre guesthouse de Tamgan, mais l’équipe T3 est aux taquets et les clients de l’étape Punjab commencent à arriver…
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